Œuvres vives, 1975
Techniques mixtes
Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Œuvres vives, 1975
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Les œuvres vives de Cante-Pacos


Une feuille d’automne poursuit le promeneur sur les berges de la Marne. Ce n’est plus de l’eau, c’est de la glu. C’est toute une chimie néfaste que le courant transporte aux portes de Paris. Plus de reflets du ciel dans la rivière (celle- là ou une autre) si gaillardement troussée par les Impressionnistes. C’était jadis. Ça fait cent ans. Nous sommes en 1975, voyez-vous ça... Le promeneur interroge. Nous avons construit une folle usine où l’on met en conserve le sourire du monde. Nous avons changé les coutumes de la terre. Le matériau de l’art est devenu spectral.
Le promeneur, mon ami François Cante-Pacos, ramasse la feuille morte qui, lassée de la poursuite, est tombée à ses pieds. Mort naturelle. Débris dans la durée de la vie à re- naître.
Il compare la feuille à cette matière neuve, nulle et vite qui sort de l’usine sans souci des saisons.
Cante-Pacos n’est pas un philosophe mais un artiste qui voit et touche les choses exactes que la nature d’une part et l’industrie de l’autre met, aujourd’hui, à la disposition des rêveurs éveillés. Son esprit est disponible pour une aventure qui n’est plus celle de l’art du bon vieux temps et qui ne sera nommée qu’à la fin, qu’après la trouvaille. Il n’est pas retenu par les traditions qui s’attachent aux mots sculpture et peinture. Ces mots sont nobles—il ne faut pas leur enlever cette qualité—mais pourquoi ne se constituerait-il pas une nouvelle noblesse dans leur sillage ou en rupture?
Il y a longtemps que nous sommes en rupture de tradition. En particulier, le collage défie et rejette l’image dessinée et colorée avec application. Le collage confronte le fantastique et le normal, met dans le même sac l’insolite et le terre-à-terre, impose à l’œil (à l’esprit) l’idée positive du hasard qui fait sortir l’homme de son absurde quotidien.
Cante-Pacos ne demanderait peut-être pas mieux que de peindre l’automne, sur les bords de la Marne, avec les jolis mouvements du pinceau impressionniste, mais il est confronté à la réalité de l’usine où l’on met en conserve le sourire du monde et, pour se venger, pour nous venger, il s’attaque directement au matériau de la dernière chance, celui dont l’existence ne doit rien aux rayons du soleil, le polyester. Il s’en joue. Il en tire des effets de surprise. Il prend la responsabilité de rendre visible certains accords entre le froid de la substance et le chaud de l’objet naturel qu’il lui oppose.
La description est difficile et probablement inutile. Les obsessions du promeneur, mi-dormant, mi-éveillé, ne sont pas celles de tout le monde. Elles le deviendront.
Par exemple : une forme est sans prestige si elle n’est rompue en son milieu. Le monde est brisure et cassure derrière la façade de l’hypocrisie esthétique. Mais il y a un anneau où l’on attache la barque de l’esprit et de l’amour un peu plus bas (ou un peu plus haut) que la cassure.
Ailleurs, un tronc d’arbre, vu en coupe et mal équarri, pro- pose de compter ses lignes de vie longuement dessinées en cercle parla poussée de la sève, comme un reproche à nos vivacités inopportunes. Il fut, avant le coup de hache ou de scie, un arbre triomphant. Il n’est plus que l’objet d’une méditation remuante, inlassable. Il y a aussi un bruit de chaîne quelque part non loin d’un objet prisonnier qui eut une vie sentimentale en l’on ne sait quelle lointaine et très étrange contrée. Il y a de la blessure un peu partout et aussi ces déchets, difficiles à nommer, que la mer rejette sur les plages pour nous faire souvenir du flux et du reflux de nos espérances. Il y a je ne sais quel symbolisme attristant et émouvant dans ces croix de sparadrap que Cante-Pacos colle un peu partout pour préciser le soin qu’il prend de la fragilité des choses.
Mais où est l’œuvre d’art ?
L’œuvre d’art est à chercher à travers le balisage émotionnel au fin fond des causes premières qui font que tel objet inutilisable, tel débris rejoint l’anxiété de l’objet préfabriqué, chimiquement pur dans son être, impur parce qu’il est irresponsable et dépourvu d’âme en son premier état.
Alors François (je préfère décidément l’appeler par son prénom) prend la responsabilité de blesser la matière plastique pour qu’elle gémisse comme tout ce qui vient de naître et de la polir pour lui donner du muscle, du cœur et de l’esprit.

Jacques Baron